ATOMIQUE (PHYSIQUE)

ATOMIQUE (PHYSIQUE)
ATOMIQUE (PHYSIQUE)

La physique atomique est une discipline de la physique au même titre que la physique nucléaire ou que la physique de la matière condensée. Elle s’intéresse à des édifices simples – atomes, atomes ionisés (ou ions), éventuellement molécules à petit nombre d’atomes –, qui peuvent être considérés comme isolés ou soumis à des interactions bien définies: champs électromagnétiques, collisions. La physique atomique exclut donc en principe les études de type collectif ou de type statistique. Historiquement, elle a eu une grande importance; en effet, elle a été un champ privilégié pour la confrontation des théories fondamentales et des résultats expérimentaux. Ces derniers, lors de l’étude du spectre de l’hydrogène, ont été à l’origine de la théorie de l’atome de Bohr et, vers les années 1950, l’électrodynamique quantique a trouvé des tests d’une précision remarquable dans la mesure de l’écart entre deux niveaux très voisins de l’atome d’hydrogène (mesure du «Lamb shift», donnée par W. E. Lamb et R. C. Retherford).

La physique atomique est à l’origine d’expériences d’importance capitale dans l’histoire des sciences [cf. ATOME]. Citons en particulier:

– les expériences de diffusion de rayons X de Charles Glover Barkla (à partir de 1909), qui ont permis d’obtenir une estimation assez précise du nombre d’électrons liés à chaque atome;

– l’expérience de lord Ernest Rutherford montrant que la partie positive des atomes avait une dimension beaucoup plus petite que l’ensemble et constituait le noyau atomique;

– les expériences de spectrométrie de masse fondées sur le fait que la déviation magnétique d’une particule chargée dépend de sa masse; à la fin du XIXe siècle, Joseph John Thomson a ainsi caractérisé l’électron, puis déterminé la masse de nombreux atomes et, en 1920, avec Francis William Aston, cette technique a conduit à la découverte des isotopes;

– l’expérience d’Otto Stern et de Walter Gerlach sur des atomes d’argent donnant une preuve de la quantification des moments magnétiques et dont les résultats étaient en parfaite cohérence avec le concept de spin de l’électron;

– enfin, la spectroscopie atomique, qui pendant de nombreuses années a formé un axe important de recherche.

Que représente la physique atomique de nos jours? Incontestablement un centre d’intérêt important: en Europe, le nombre d’expériences en cours est de plusieurs centaines, sur lesquelles travaillent au moins un millier de chercheurs confirmés. Notons que l’apparition des lasers et de plusieurs gros instruments (rayonnement synchrotron en particulier) a apporté un réel renouveau à la discipline. Les recherches sont gouvernées par plusieurs motivations dont certaines se complètent:

– tests de théories fondamentales conduisant souvent à la mise en évidence ou à l’analyse d’effets de plus en plus fins;

– évolution des conditions d’expérimentation pour minimiser les effets liés au fait que les atomes observés ne sont pas au repos et subissent des collisions ;

– amélioration des connaissances relatives à des édifices nouveaux – atomes exotiques (positronium, atomes mésiques...), atomes multiplement ionisés, états hautement excités;

– analyse et compréhension des mécanismes collisionnels de nature très diverse et dont l’importance est considérable en physique des milieux dilués.

Il est important de noter que les physiciens de l’atome ne se sont pas enfermés dans des frontières rigides; des ouvertures vers des disciplines variées (astrophysique, chimie...) ont été très souvent une règle de conduite.

Nous présentons dans ce texte un panorama des recherches en physique atomique depuis 1950.

1. Méthodes et limites

Rappelons tout d’abord un point important: dans beaucoup d’expériences, les informations apportées le sont par l’intermédiaire du rayonnement émis ou absorbé par les atomes et la meilleure résolution possible sur la structure énergétique est recherchée.

Des limites apparaissent:

– D’abord fondamentales. Les états excités atomiques n’existent que de façon transitoire et sont caractérisés par une durée de vie 精, grandeur évidemment statistique. Le principe d’incertitude conduira à une imprécision E sur l’énergie correspondante, telle que E \# 寮/ 精, soit h 益 \# 寮/ 精, ou 益 = 1/2 神精 ( 益 = 1,6 . 106 Hz pour 精 = 10-7 s).

– Résultant ensuite de l’observation faite sur une assemblée d’atomes formant un gaz. Ces atomes sont soumis à des collisions entre eux et contre les parois de l’enceinte. Ces collisions modifient généralement l’état de l’atome dont la durée de vie apparente diminue (le temps entre deux collisions est de l’ordre de 10-8 s au sein d’un gaz à une pression de 10-2 torr).

– Enfin, les atomes sont en mouvement désordonné par rapport à l’observateur et cela se traduira par un profil d’émission ou d’absorption de largeur 益D centré autour de la fréquence 益0 tel que 益D/ 益0 \# v/c (v vitesse moyenne des atomes, c vitesse de la lumière). Dans le visible, 益D sera de l’ordre de 2 . 109 Hz, valeur beaucoup plus grande que celle qui résulte de la durée de vie. C’est l’élargissement Doppler.

2. La spectroscopie d’émission spontanée

Le rayonnement émis dans l’ultraviolet (U.V.) ou le visible par l’édifice atomique est observé à l’aide d’un dispositif sélectif en longueur d’onde: spectrographe à prisme, à réseau, interféromètre. La résolution ultime est limitée par l’effet Doppler (quelquefois améliorée par l’emploi de jets atomiques ou de faisceaux quasi monodirectionnels). La connaissance de la structure en niveaux d’énergie des différents atomes a essentiellement résulté de cette spectroscopie et l’étude des effets les plus fins (structures hyperfines, déplacements isotopiques) datent de la période 1955-1965.

Sauf étude spécifique ponctuelle, ce type de spectroscopie se poursuit principalement dans l’ultraviolet lointain, à la limite des rayons X, pour caractériser des états fortement liés, tels ceux d’ions multichargés. Un ion, par exemple Al10+, présente des états excités se désexcitant en fournissant des rayonnements de longueur d’onde dans la gamme des 10 nm. De tels états apparaissent dans les plasmas très chauds, tels que ceux en vue de la fusion thermonucléaire ou les plasmas créés lors de l’impact sur de la matière d’une impulsion laser de haute énergie. La recherche pour l’obtention de laser à rayons X constitue aussi une des motivations.

3. La spectroscopie d’absorption

L’étude de l’absorption résonnante d’une transition, dans le visible ou le proche U.V., n’est plus un sujet de recherche en soi. Cette technique est essentiellement utilisée comme méthode d’analyse permettant de doser des traces très faibles d’atomes.

En revanche, dans l’U.V. lointain, le rayonnement synchrotron, qui permet d’avoir une puissance importante dans une bande étroite et réglable de longueur d’onde, a ouvert de nouveaux champs d’étude relatifs aux couches profondes de l’atome. De même, les processus d’absorptions multiphotoniques, conduisant en particulier à l’ionisation de l’atome, ont fait l’objet de nombreux travaux.

4. La spectroscopie des radiofréquences

Lorsque deux niveaux énergétiques sont très voisins, séparés par 嗀E = h0, avec 益0 dans le domaine des radiofréquences, la probabilité d’émission spontanée devient très faible et de fait inexistante. L’émission induite ou l’absorption de l’onde radiofréquence ne peut être observée que si ces deux effets ne se compensent pas, ce qui exige que leurs populations initiales soient inégales. Dans ce cas, l’élargissement Doppler tel que 益D/ 益0 = v/c est plus petit que la largeur naturelle ou d’autres effets d’élargissement. On parle alors d’expérience «sub-Doppler».

Plusieurs familles d’expériences ont largement contribué à la connaissance fine de l’atome et aux problèmes fondamentaux relatifs aux interactions rayonnement-atome. Citons:

– Les expériences sur des jets atomiques de Rabi et ses collaborateurs entre 1940 et 1970; on a ainsi étudié le niveau fondamental de la quasi-totalité des atomes, y compris de nombreux isotopes instables de très courte durée de vie. La création de l’inégalité de population et la détection se font en utilisant des différences de trajectoires des divers états atomiques dans des champs inhomogènes.

– Les expériences de pompage optique [cf. POMPAGE OPTIQUE]. Ici, l’inégalité de population est créée dans la vapeur atomique par une absorption différenciée d’un faisceau lumineux polarisé; elle peut être créée dans un état excité ou dans l’état fondamental par un «cycle de pompage». La détection s’effectue de façon indirecte par l’observation d’une transition optique dont l’état de polarisation est modifié lors du couplage résonnant avec le champ de radiofréquence.

5. Croisements de niveaux

Une transition de radiofréquence entre deux sous-niveaux Zeeman a sa fréquence qui tend vers zéro aux environs d’un point de croisement, qui peut être évidemment en champ nul mais aussi pour une valeur particulière du champ, par suite de structure fine ou hyperfine (effets Paschen-Back et Back-Goudsmit, cf. effet ZEEMAN). L’analyse théorique montre que l’intensité d’une transition optique polarisée issue de ces niveaux va varier autour du point de croisement. La largeur de la courbe donnant l’intensité optique en fonction du champ magnétique est directement liée à la durée de vie dans le cas du croisement en champ nul (effet Hanle); le phénomène est plus complexe dans le cas général, mais le repérage de la position des points de croisement par analyse du diagramme de l’intensité observée en fonction du champ permet de reconstituer le diagramme Zeeman et d’obtenir des valeurs de structures fines et hyperfines. C’est la spectroscopie de croisement de niveaux qui se trouve également affranchie de l’effet Doppler.

6. Les paramètres radiatifs: forces d’oscillateur, durées de vie

La connaissance des paramètres radiatifs est importante pour différents problèmes mettant en jeu la dynamique de populations de niveaux et l’évaluation des processus radiatifs. La détermination des coefficients A et B d’Einstein [cf. LASERS], ainsi que celle des forces d’oscillateur, est difficile car elle demande des mesures d’intensités lumineuses; des équipes spécialisées ont établi, il y a une vingtaine d’années, des tables assez complètes mais souvent peu précises. Actuellement, il ne s’agit que de mesures ponctuelles et complémentaires à d’autres travaux. Les mesures de durées de vie se sont révélées, en revanche, plus abordables, la précision pouvant atteindre le pour-cent.

Il est possible de distinguer deux types d’approches des mesures de durée de vie:

– En spectroscopie des radiofréquences, la largeur d’une transition résulte de la largeur naturelle et d’un élargissement collisionnel; une extrapolation de la largeur à pression nulle permet d’obtenir la durée de vie.

– En régime impulsionnel, la durée de décroissance d’une transition donne un accès direct à la durée de vie du niveau initial; il est cependant nécessaire d’être attentif aux effets de cascade provenant de niveaux supérieurs. De très belles expériences ont été réalisées sur des faisceaux d’ions multichargés excités, obtenus lors de la traversée d’une cible très fine par un faisceau d’ions (beam foil spectroscopy ). La vitesse élevée des ions réalise une conversion temps-espace très commode: l’analyse de l’intensité émise après la cible en fonction de la distance conduit de façon évidente à la durée de vie de l’état observé.

7. La spectroscopie laser

L’outil exceptionnel qu’est le laser, par la monochromaticité de son rayonnement, par la possibilité pour certains lasers de régler très finement leur longueur d’onde, par la densité de puissance apportée qui peut être considérable, a, depuis 1970, renouvelé très largement le spectre d’activité en physique de l’atome.

Dans un certain nombre d’expériences, il est ainsi possible d’exciter, soit directement, soit par échelon, un état bien déterminé de l’atome et d’étudier ensuite son évolution (étude de dynamique, de structure...). Signalons en particulier l’étude des états de Rydberg, états de nombre quantique principal élevé (n de l’ordre de 100 par exemple). Ces états ont un nuage électronique très étendu – on trouverait un diamètre de l’ordre du micromètre pour n = 100 dans l’atome d’hydrogène – et font l’objet de nombreuses études. Notons en particulier que les transitions entre niveaux de Rydberg voisins sont dans le domaine des radiofréquences, mais que leur très fort couplage conduit à une probabilité d’émission spontanée beaucoup plus grande à fréquence donnée que pour des états ordinaires. Il devient alors possible d’étudier cette émission spontanée dans une structure bien définie de modes de cavité, ce qui n’est pas le cas à l’échelle de transitions optiques. Des effets fondamentaux d’électrodynamique quantique ont pu être ainsi testés directement.

Dans d’autres expériences, un artifice permet d’obtenir, avec une observation dans le visible, un résultat affranchi de l’effet Doppler. C’est le cas d’excitations utilisant l’énergie cumulée de deux photons issus du même laser mais se propageant en sens inverse: pour un atome ayant la composante vx de vitesse suivant la direction de propagation, le premier photon apporte l’énergie:

et l’autre:

c’est-à-dire en tout h .0, quel que soit vx . La figure 1 explicite une belle expérience effectuée sur l’hydrogène permettant de déterminer, à partir de la relation de Balmer:

la constante de Rydberg RH avec une précision d’environ 5 憐 10-10, correspondant à la précision de la mesure interférométrique de0.

8. Systèmes exotiques

Les systèmes exotiques sont des édifices de vie brève, accessibles uniquement dans des situations instrumentales lourdes:

– Isotopes instables obtenus au cours d’une chaîne de réactions nucléaires induites par l’impact de particules issues d’un accélérateur. Des méthodes de spectroscopie, en ligne avec l’accélérateur, ont permis de déterminer des structures hyperfines, mettant ainsi en évidence des propriétés nucléaires souvent originales, cela pour un grand nombre d’isotopes (isotopes 118 à 145 du césium par exemple).

– Édifices formés de particules instables: positronium, muonium, atomes hadroniques [cf. ATOME]. Dans le cas du positronium, les transitions entre états excités et fondamental se situent dans le domaine optique. Des expériences de spectrométrie laser ont conduit à un positionnement précis de niveaux. Pour les autres systèmes, les émissions entrent dans le domaine des rayons X. L’intérêt de ces études de spectroscopie est lié à l’exaltation pour ces systèmes d’effets correctifs qui sont particulièrement faibles devant l’interaction coulombienne pour les atomes ordinaires.

9. Ions et atomes piégés

Pour affranchir les mesures de l’effet Doppler et des effets parasites des collisions, une autre voie de recherche – initiée essentiellement par H. Dehmelt dans les années 1960 – consiste à réaliser un piège dans lequel sont concentrés un nombre restreint d’atomes ou d’ions dont les vitesses sont très fortement ralenties par rapport aux vitesses thermiques.

La trappe à ions et ses applications

Il est aisé d’imaginer qu’une particule chargée peut être confinée lorsqu’elle est placée dans un champ électromagnétique de géométrie adéquate: il suffit que, quel que soit le déplacement imposé à la particule, une force de rappel la ramène à sa position d’équilibre. Deux types de pièges sont employés:

– Un champ électrique produit par des électrodes hyperboloïdales produit un confinement suivant leur axe Oz de révolution. En ajoutant un champ magnétique élevé d’axe Oz , de l’ordre de 1 tesla, le confinement est réalisé dans toutes les directions. C’est le piège de F. M. Penning. Il conduit malheureusement à une perturbation de l’état de l’ion par le champ magnétique.

– En superposant au champ électrique précédent une composante alternative, il est possible de trouver des valeurs des amplitudes et de la fréquence telles que le mouvement – complexe – de l’ion reste confiné dans une petite région de l’espace. C’est le piège de W. Paul. Dans le cas d’un tel confinement, on montre que l’on s’affranchit quasi totalement de l’effet Doppler (effet Lamb-Dicke).

Cette méthode de confinement a permis, après de premiers résultats obtenus en 1973, d’observer, par une technique de pompage optique, la résonance hyperfine du niveau fondamental de l’ion 199Hg avec une largeur de quelques hertz pour une fréquence de 40,5 GHz (soit une finesse relative meilleure que 10-10). Par un montage d’asservissement, il a été possible de réaliser une horloge d’une stabilité comparable à celle d’une horloge à césium [cf. HORLOGES ATOMIQUES]. Notons que les ions ainsi confinés conservent leur vitesse d’agitation thermique.

Le refroidissement des ions par le rayonnement laser

Par une extension courante de langage, on parlera de la température d’une particule soumise à l’agitation thermique en écrivant que (1/2) m v2 \# k T. Ralentir une particule, c’est donc la «refroidir». Des techniques utilisant le rayonnement à cette fin ont été proposées dès 1950 par A. Kastler et, en 1975, avec un faisceau laser, par T. W. Hansch et A. L. Schawlow.

Décrivons un processus de refroidissement dans le cas d’un mouvement à une dimension. Les ions sont illuminés par un faisceau laser se propageant suivant Oz et ayant une fréquence très légèrement au-dessous d’une fréquence d’absorption de l’ion. Quand les ions ont une certaine vitesse, en sens inverse du sens de propagation du faisceau, le rayonnement vu par les ions aura, par effet Doppler, juste la fréquence d’absorption; l’ion absorbe un photon et la conservation de la quantité de mouvement impose son ralentissement. L’émission spontanée d’un photon qui se produit ensuite a une direction arbitraire: l’effet moyen de l’émission spontanée au cours d’un grand nombre de cycles d’absorption-émission est donc nul. Ainsi, il a été mis en évidence le confinement d’un ion unique, par exemple 24Mg+, de température de l’ordre de 50 millikelvins correspondant à des vitesses de l’ordre de quelques mètres par seconde. Par suite du mouvement à trois dimensions, on utilise en fait trois faisceaux orthogonaux qui, dans le jargon des spécialistes, forment une «mélasse optique».

Remarquons dans l’exemple qui vient d’être cité que la force d’oscillateur de la transition de Mg+ utilisée est très grande: le nombre de cycles absorption-émission est élevé; le processus de refroidissement est particulièrement efficace et le flux d’émission spontanée émis par l’unique ion est suffisant pour en permettre la détection (face=F0019 力 108 photons/s). On peut observer à l’œil la source lumineuse ainsi formée par l’ion isolé (fig. 2 a).

Signalons qu’une technique de pompage optique sur les niveaux de vibration de l’ion dans le piège est aussi utilisée comme moyen de refroidissement.

Le ralentissement des atomes et leur piégeage

La technique de refroidissement décrite au paragraphe précédent peut évidemment s’appliquer à un atome neutre, mais elle serait totalement inopérante s’il n’y avait pas de piégeage: l’atome heurtant les parois de l’enceinte serait immédiatement «réchauffé» et l’effet moyen de refroidissement quasi nul.

À première vue, l’atome étant neutre, le piégeage électromagnétique n’est pas possible sous la forme des pièges de F. M. Penning ou de W. Paul. Cependant, par suite de l’effet Zeeman, pour certains états de l’atome, l’énergie augmente avec le champ magnétique: une géométrie de champ présentant un point où celui-ci s’annule provoquera un piégeage en ce point, zone d’énergie minimale pour l’atome. Une telle configuration de champ associée à trois faisceaux de ralentissement orthogonaux a récemment permis l’obtention d’atomes quasi immobiles (W. D. Philipps et H. J. Metcalf, 1985). Ce type de piégeage est toutefois peu efficace et, dans les expériences récentes, il est remplacé par l’action d’un champ électromagnétique non homogène produit par un ou plusieurs faisceaux lasers.

Problématique

Le but initial de ces expériences était, vis-à-vis de la spectroscopie, de se trouver dans la situation d’un édifice atomique isolé, à l’écart de perturbations et on en a vu l’intérêt dans la réalisation de standards de fréquence; des résultats particulièrement encourageants ont déjà été obtenus et des stabilités pouvant atteindre 10-18 sont espérées. Du point de vue théorique, les comportements quantiques d’un édifice atomique isolé et de son couplage au champ de rayonnement offrent un domaine d’investigation passionnant.

Lorsque plusieurs ions refroidis sont présents dans un piège, il s’exerce entre eux, par suite de leur charge positive, des forces de répulsion coulombiennes. Si l’énergie thermique k T est nettement plus petite que l’énergie coulombienne, celle-ci va conduire à une structure d’énergie minimale qui sera une structure géométriquement ordonnée: il y a un phénomène comparable à une «cristallisation» (fig. 2 b); lorsque l’énergie thermique augmente, la structure disparaît et l’état devient désordonné.

À un atome très froid correspond, d’après la relation de L. de Broglie = h /m v, une longueur d’onde associée qui peut atteindre le micromètre. Il est ainsi possible d’espérer réaliser des expériences d’interférences atomiques, d’analyser des problèmes de collisions sur des surfaces...

Il est également possible d’espérer confiner dans le piège un nombre élevé d’atomes très froids et se trouver ainsi dans des conditions où la condensation de Bose-Einstein pourrait être observée, situation totalement inaccessible à la température ambiante. Des projets relatifs au refroidissement d’atomes d’hydrogène sont en cours à cette fin.

10. Collisions atomiques

L’étude des collisions entre un atome cible et une particule projectile (atome, électron...) représente un problème majeur de la physique. Depuis l’interprétation en terme de mécanique classique de l’expérience de Rutherford (collision d’une particule et d’un noyau), un travail de grande ampleur a été effectué, répertoriant, caractérisant les paramètres d’un nombre élevé de processus de collisions et affinant les modèles théoriques. Outre l’intérêt intrinsèque de telles études, celles-ci sont fondamentales pour aborder la physique des milieux dilués. Donnons quelques exemples: la modélisation des milieux stellaires ou interstellaires s’appuie en grande partie sur des données collisionnelles; il en est de même des processus atmosphériques (signalons par exemple que la cinétique d’évolution de la concentration de l’ozone atmosphérique résulte de plusieurs dizaines de mécanismes collisionnels en compétition et qu’une imprécision sur la connaissance de l’un d’eux peut modifier de façon notable la conclusion d’une modélisation). Les progrès dans les machines à plasma utilisées pour l’approche de la fusion contrôlée sont en partie conditionnés par la connaissance de mécanismes de collisions impliquant des états atomiques encore peu connus.

Phénoménologie des collisions

Les processus de collision peuvent être très variés. Si les particules et leur état ne changent pas, la collision est élastique. Dans le cas de collisions inélastiques, il est possible de les classer de façon plus ou moins fine. Citons quelques processus importants:

– l’ionisation produit un ion après l’impact d’un atome par une particule, par exemple un électron, e + Ae + A+ + e ;

– la recombinaison produit l’atome neutre après collision d’un électron avec un ion, e + A+A;

– l’attachement forme un ion négatif lors de la collision d’atome avec un électron, e + AA-;

– l’excitation correspond à une modification de la structure de l’atome, l’amenant dans un état excité, e + AA + e ;

– un atome excité retournera en général à l’état fondamental après une collision avec un autre atome; dans certains cas, il peut y avoir transfert d’excitation ou formation d’un ion (collision de Penning, A + BA + B+ + e );

– l’ionisation associative produisant un ion à partir de deux atomes excités, A + AA2+ + e ;

– la collision réactive représente l’aspect élémentaire d’une réaction chimique, par exemple, Cu + 2CuFCuF, la molécule CuF pouvant être obtenue de façon transitoire dans un état excité.

Un processus de collision sera essentiellement caractérisé par sa section efficace. Considérons par exemple la collision A + BC (A, B, C électron, atome, ion, molécule...). Raisonnons sur un modèle classique: il est évident que, pour que la réaction se produise, la trajectoire de A doit s’approcher suffisamment de B, c’est-à-dire devra traverser une certaine sphère fictive de section 靖 entourant la particule B. Nous dirons (en ignorant dans cette approche simple les dimensions des particules) que 靖, en unités d’aire, représente la section efficace du processus de collision; un ordre de grandeur typique sera 靖 = 10-18 m2.

Dans le cas d’une réaction plus complexe, une particule peut être éjectée avec une symétrie non sphérique. On écrira alors, dn étant le nombre de particules éjectées dans l’angle solide d 行 dans la direction ( 粒, 淋) que: dn = 靖( 粒, 淋)d 行, 靖( 粒, 淋) étant une section efficace différentielle.

Reprenons la collision A + BC. À l’échelle macroscopique, elle représente une «réaction chimique» que l’on caractérise dans ce cas simple par un coefficient de réaction reliant l’accroissement de la concentration [C] du produit C formé en fonction de la concentration des réactants:

k , coefficient de réaction, a les dimensions L3 . -1.

Il est aisé de relier cette grandeur macroscopique à la section efficace 靖 et, dans un modèle cinétique simple, on écrira: k = 靖v, v étant la vitesse moyenne des particules.

Thématique et méthodologie

La physique des collisions atomiques est animée essentiellement par deux motivations. L’une, utilitaire, cherche à fournir les données exigées par d’autres physiciens et à mettre en évidence des processus nouveaux ou intéressants pour des applications; l’autre, plus profonde, vise à améliorer la compréhension du mécanisme de la collision qui, dans certains cas, représente la forme microscopique d’une réaction chimique, et un travail gigantesque a été effectué pour affiner les modèles théoriques: la particule projectile va pénétrer plus ou moins dans le nuage électronique de la particule cible et la description de l’ensemble pendant une période extrêmement courte sera celle d’un état lié moléculaire; cet état se dissociera ensuite en formant, en voie de sortie, des particules de description quantique différentes de celles de la voie d’entrée. L’étude de cet état lié est donc primordiale et met en jeu les méthodologies de la physique moléculaire théorique.

L’approche expérimentale est assez variée et nous passerons sous silence des méthodes très diverses, fondées sur des mesures effectuées dans des gaz raréfiés, qui ont formé de 1930 à 1950 une approche relativement complète de l’ensemble des phénomènes microscopiques au sein de milieux ionisés. Nous présenterons uniquement deux voies d’investigation:

En milieu gazeux , où l’on déterminera des paramètres descriptifs des collisions moyennés sur la répartition de vitesse au sein du gaz. Prenons d’abord l’exemple de collisions modifiant un état atomique excité; la durée de vie de cet état sera donc diminuée par les collisions et une transition qui en est issue verra son profil de raie élargi, cela éventuellement en compétition avec l’effet Doppler. L’étude de l’élargissement de la raie en fonction de la pression donnera alors la section efficace du processus.

De nombreuses expériences conduisent à la détermination de coefficient de réaction. Prenons le cas simple d’une collision du type A + BC. La mesure des concentrations [A], et de d [C]/dt fournira k . Ces mesures peuvent résulter de mesure de spectrographie de masse, d’absorption optique, de fluorescence. Remarquons que si C est un état excité, l’intensité lumineuse résultant de sa désexcitation est proportionnelle à d [C]/dt . Une illustration peut être fournie par une expérience très récente (1988) de «ionisation associative» entre deux atomes de sodium excités et refroidis (cf. supra, Ions et atomes piégés ):

le coefficient k est déterminé à partir de l’intensité d’une raie émise par Na2+ et la section efficace qui en est déduite est 靖 = 8,60 [b]. 10-18 m2, valeur considérable pour ce type de collision, liée à la température très basse des atomes de sodium (0,75 mK).

Les expériences du type «faisceau-faisceau » permettent d’approcher le plus le schéma d’une collision parfaitement définie géométriquement. Les deux sources S1 et S2 (fig. 3) créent des faisceaux des deux espèces dont on veut étudier la collision; un détecteur D caractérise quantitativement les produits de la réaction. Les faisceaux sont collimatés, de faible ouverture angulaire et en général monocinétiques. La disposition du détecteur peut être modifiée pour l’étude de sections efficaces différentielles. La zone de collisions est sous vide poussé.

Les sources peuvent présenter des aspects très divers suivant le problème étudié:

– Source d’électron associée à un sélecteur de vitesse permettant de définir l’énergie des électrons de façon très fine (quelque 10-3 eV pour des énergies de l’ordre de la dizaine d’électronvolts).

– Source d’ions associée éventuellement à un analyseur de masse et à un filtre de vitesse. Cela peut aller d’une source de dimensions modestes, où les ions sont extraits d’une décharge électrique, jusqu’à une voie de sortie d’un gros instrument fournissant par exemple des ions multichargés.

– Source d’atomes neutres ou de molécules (sources thermiques créant des jets atomiques, jets gazeux pouvant être supersoniques, faisceau de neutres obtenus par échange de charges entre un faisceau d’ions et une cible gazeuse).

– Source de photons (faisceau laser, ligne de lumière d’une source de rayonnement synchrotron...).

Le détecteur peut être un détecteur d’électrons, d’ions, un photomultiplicateur.

En général, ce type d’expérimentation est difficile, les signaux étant faibles. Les techniques d’exploitation informatique ont permis des progrès notables. Les résultats expérimentaux obtenus sont les variations, présentant parfois des résonances, des sections efficaces en fonction de l’énergie des particules impliquées dans la collision. Ils permettent la meilleure confrontation possible avec la théorie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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